Suite de notre exploration de l’épouvante sous toutes ses formes dans le cadre du cycle « Who can you trust » au BFI avec cette fois un film de 1980, d’un jeune réalisateur affilié au nouvel Hollywood dans la période la plus créatrice de sa carrière, il s’agit de Brian De Palma et de son film Pulsions.
Kate Miller est une femme d’âge mur – c’est à dire la quarantaine – qui s’ennuie. Entre son fils qui passe son temps à bricoler des machines bizarres et son deuxième mari qui la délaisse, elle passe le temps chez son médecin psychiatre, le docteur Elliott et aussi à se prostituer occasionnellement avec des hommes de passage pendant l’après midi. Un beau jour, à la suite d’une passe amorcée au Metropolitan museum, et conclue dans un hôtel de New York, elle se fait sauvagement assassiner dans un ascenceur par un (ou une) personnage blond(e) armé(e) d’un rasoir (je précise que je ne pratique pas l’écriture inclusive mais que j’essaie simplement de ménager le suspens). La seule témoin de ce meurtre est une jeune prostituée qui passait justement par là, Liz Blake, qui va être interrogée par la police représentée par le passablement abruti inspecteur Marino. Il va aussi interroger le docteur qui, sans dévoiler quoi que ce soit à Marino, soupçonne fortement un de ses patients transexuels, Bobbi. Alors que la police patine, et en fait s’en fiche un peu, l’enquête va être conduite en amateur par Peter, le fils de Kate, la victime, avec l’aide de Liz, la prostituée et principal suspect.
Le film est donc signé Brian De Palma, un nom associé au nouvel Hollywood, qui inspirait le respect dans les années 80 – un peu moins maintenant, même si l’homme a beaucoup moins tourné à partir des années 90, et c’est tant mieux -. Le réalisateur est crédité d’un certain savoir faire dans le domaine de l’épouvante et a été présenté plusieurs fois comme un émule d’Hitchcock.
Epouvante donc. C’est à mon avis le côté réussi du film qu’au demeurant je n’aime pas beaucoup. Il y a des scènes qui font vraiment peur. La scène du rêve à la fin lorsque Nancy Allen prend sa douche, la scène où cette même Liz fouille le bureau du docteur, la poursuite dans le métro, le meurtre dans l’ascenceur, il y a une série de scènes, de passages qui font vraiment peur et le réalisateur a sans conteste un savoir faire dans ce domaine. En ce sens le film et De Palma avec lui remplissent à peu près leur contrat.
C’est ensuite que les choses se gâtent. Outre un film d’épouvante, le film est, sur le papier aussi un film policier. Il s’agit de savoir qui a tué, qui est le mystérieux Bobbi et comment l’assassin va être pincé. Malheureusement, le scénario du film est plutôt raté. Il y a certes le fil rouge de l’enquête mais il est noyé par des scènes digressives qui font perdre le fil et surtout par des incohérences de scénario plutôt grossières. Des exemples ? Kate est une escort étourdie qui oublie lors de sa passe sa culotte dans le taxi (et qui d’ailleurs ne remarque pas, lorsqu’elle se rhabille, qu’elle n’a pas de culotte, ça vous arrive souvent ?) et son alliance sur la table de nuit, rien que ça, vous y croyez ? Autre exemple, il y a une scène où elle découvre que son client a une maladie vénérienne et … le scénario ne fait rien de cette péripétie, l’introduction du transexuel et la psychologie de bazar qu’on développe à l’écran pour expliquer sa frustration et son passage à l’acte sont un peu lourdingues, le moment climax où l’assassin est mis hors d’état de nuire alors que Liz fouille le cabinet du docteur est amené très brutalement et par surprise, la scène du rêve à la fin est superflue, si ce n’était pas pour la plastique de Nancy Allen qu’elle nous dévoile sans pudeur… Il y a beaucoup de scène qui sont inutiles scénaristiquement parlant, soit qui visent à montrer le savoir faire du réalisateur, ce qui est prétentieux, soit qui sont purement racoleuses.
Racoleuses oui. L’épouvante – plutôt réussie – du film ne l’est pas mais le cul oui ! Car il y a du cul dans Pulsions, plus que dans des productions américaines traditionnelles même des années 80. Et le cul est parfaitement inutile car il est surtout présent dans deux scènes rêvées au début et à la fin et aussi un peu (‘un peu’ car on ne voit que des sous-vêtements affriolants, pas de bout de sein ni de pubis comme dans la scène du début) dans la scène un grotesque lorsque Nancy Allen se déshabille chez le docteur. Ajoutez à cela que Ron Jeremy (c’est un acteur pronographique fameux dans les années 80) s’est plaint du classement ‘grand public’ d’un film qui a ses yeux était clairement pornographique – à titre personnel, c’est pousser le bouchon quand même un peu loin. J’espère que les films de Jeremy sont un peu plus pornographiques que ne l’est Pulsions -, et pour finir, la cerise sur le gâteau, Kate / Angie Dickinson, encouragée par les producteurs s’est vantée de n’avoir pas été doublée pendant la scène de masturbation au début, ce qui est faux et a été démenti par De Palma et la doublure de Dickinson, Victoria Johnson. C’est dire le niveau des débats !
Et après tout cela, le film se veut un hommage au maître du suspense,Alfred Hitchcock. Par quel tour de magie ? Eh bien simplement en pompant allègrement, mais en moins bien, les scènes iconiques du maître mais attention, sans essayer de les disposer adroitement, mais en en faisant un simple copier coller. L’allusion à Psychose est transparente (le meurtrier est un travesti et il y a des presque meurtres sous la douche), la scène où Kate joue au chat et à la souris au Metropolitan Museum avec son client est une resucée de Vertigo, un peu de Marnie à la fin du film etc … De Palma oublie simplement qu’Hitchcock savait amener son suspens, que le scène où Bobbi est mis hors d’état de nuire dans le cabinet du docteur contredit en tout point les principes du suspens édictés par le maître, sans parler des scènes de sexe, beaucoup plus subtiles et moins graphiques chez Hitch. Un hommage ? Un plagiat oui !
Pour ce qui est des acteurs, nous avons le très bon Michael Caine dans le rôle du docteur Elliott. Son flegme tout britannique colle assez bien à un personnage à qui et Kate, et Liz proposent de coucher durant le film (Liz de surcroît avec un strip-tease, la grande classe je vous dis !) offres qu’il décline poliment. Dans le rôle de Liz, nous avons Nancy Allen, une actrice qui avait déjà tourné avec De Palma dans Carrie et qui avait épousé le réalisateur peu après – ce qui explique certainement sa présence au casting de Pulsions -. J’ai trouvé sa performance parfaitement honorable, c’est une jolie petite actrice peut-être un tout petit peu ronde et qui incarne donc sans chi-chis ce que je m’imagine être une jeune prostituée lambda (pas une escort à plusieurs milliers de dollars, ses passes sont facturées 500 dollars dans le meilleur des cas, pour info) naïve et plus ou mois victime des événements. A noter que ces deux acteurs ont été nominés aux Golden Raspberry awards de cette année là (il s’agit de la parodie des oscars qui décerne les titres de ‘pire film’, ‘pire acteur’ de l’année dont c’était la première édition en 1980). C’est un peu injuste à mon avis même si le fait que le film soit nominé – dans la catégorie ‘pire film’ – n’est cette fois que justice.
Et quitte à avoir une pire actrice, autant choisir Angie Dickinson qui joue le rôle de Kate. Elle n’est pas très longtemps à l’écran puisqu’elle est assassinée au tiers du film, mais suffisamment pour tourner dans une scène notable où elle joue au chat et à la souris avec un client dans le Metropolitan Museum nous gratifiant, à chaque fois que le client lui échappe dans une salle du musée d’une mimique extrêmement niaiseuse qui aurait probablement désespéré Kim Novak (qui joue le rôle équivalent dans le film dont cette scène est le plagiat, Vertigo). Elle en fait de plus des tonnes dans la scène suivante à l’hôtel avec le client, je veux bien croire que ce n’est pas de sa faute et qu’elle a été mal dirigée mais elle n’est pas pour rien dans le sentiment d’agacement qui fut le mien lorsque j’ai vu le film.
La musique pour finir est horripilante, le son est très fort et surtout elle accompagne systématiquement, voire, parfois annonce, les « scènes où il va se passer quelqeu chose ». Une technique en vogue dans les films noirs des années 40 et 50 qui qui apparaît plutôt veillotte dans les années 80. Ce point là non plus ne parvient pas à racheter le film à mes yeux.
Tout cela pour dire que je n’ai pas été convaincu par Pulsions ni par De Palma. La critique a pourtant été parfois élogieuse mais parfois aussi négative. Les féministes de l’époque lui ont reproché sa misogynie et le fait qu’il mette en scène des prostituées et des femmes adultères. L’argument – pour moi – porte peu. Si on devait supprimer toutes les prostituées et les femmes adultères du cinéma pour ne pas être taxé de misogynie, il ne resterait plus grand chose. Non, La plus belle vacherie envers le film et un excellent moyen de conclure ce post a certainement été énoncée de manière indirecte et mystérieuse par … la maître Alfred Hitchock lui-même. C’est le réalisateur John Landis (Les blues brothers) qui a emmené Hitchcock voir le film. A la fin de la projection, Landis se tourne vers le maître et lui explique qu’il devrait être flatté que quelqu’un comme De Palma lui rende un tel hommage. « More like fromage ! » (plutôt un fromage) répond le maître (en anglais bien sûr) du tac au tac. Cela ne veut rien dire et cela permettait à Hitchcock d’être sibyllin sans s’étaler trop sur ce qu’il pense du film soi-disant « hommage ». C’est le seul exemple de subtilité vis à vis de ce film qui ne l’est pas que j’ai pu recenser.