L’enfance d’Ivan (1962) d’Andreï Tarkovski

Dans un mois consacré au cinéaste Robert Bresson, le BFI s’est aussi fendu d’une série de films de cinéastes ayant été influencés par ce même Bresson. Certes il n’avait que l’embarras du choix car il y en eu beaucoup et la brochette était tellement variée qu’on ne risquait pas de sentir la répétition. Et dans cette liste, j’ai pioché ce soir le cinéaste russe Andreï Tarkovski, et plus particulièrement son tout premier film, moins connu que ses grands chefs d’œuvre de la maturité : L’enfance d’Ivan.

Ivan est un jeune orphelin de douze ans, vivant pendant la seconde guerre mondiale et dont la famille a été exterminée par les allemands. Il a joint un groupe de partisan et exécute de périlleuses missions de reconnaissance au profit des soviétiques. Alors qu’il revient d’une de ces expéditions, il est recueilli par un régiment dont le colonel veut l’envoyer à l’arrière mais l’enfant, plein de haine envers les ennemis qui ont assassiné sa famille, insiste pour continuer ses missions d’éclaireur, au plus près du front.

Le scénario est tiré d’une nouvelle écrite par l’écrivain Vladimir Bogomolov, publiée en 1957. Une belle histoire assez cinégénique qui a très vite suscité des vocations pour l’adapter. Un scénario a été écrit, confié à un premier réalisateur (Edouard Abalov) pour un projet qui va capoter en 1960. L’année suivante, c’est le tout jeune, sorti de l’école de cinéma, Andreï Tarkovski qui reprend le scénario, le réécrit avec son camarade de promotion Andreï Kontchalovski en restant beaucoup plus proche de la nouvelle et en particulier en supprimant la happy end de la première version, avant de commencer le tournage sur le fleuve Dniepr, en Ukraine actuelle.

1962 est une année charnière dans l’histoire de la guerre froide. C’est l’année de la crise de Cuba mais c’est aussi l’année où commence une période de dégel qui va durer une bonne quinzaine d’années. Et ce dégel va aussi toucher les milieux artistiques. Le jdanovisme se meurt en ces années 60, il ne s’agit plus de montrer le peuple héroïque triomphant systématiquement du mal – dans le plus pur style de la propagande stalinienne -, on peut maintenant oser incarner ses personnages, en faire des individus à part entière (et non pas des héros symboles d’un groupe) et même les inscrire dans une destinée qui ne suit pas à la lettre la glorieuse historiographie soviétique. Dans L’enfance d’Ivan, cela veut dire montrer les horreurs de la guerre. C’est nouveau et ce vent de liberté va permettre à des cinéastes talentueux de la riche école soviétique de connaître leur heure de gloire. Et au premier rang d’entre eux, un certain Andreï Tarkovski.

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Un film anti-guerre ? Peut-être. Le film nous montre les horreurs de la guerre sans aucun fard : villages détruits avec ces maisons dont il ne reste que des ruines, soldats prisonniers exécutés avec cadavres en décomposition exposés au vu de tous, scène terrifiante de bombardement, effet de la guerre non sur les corps mais sur les âmes lorsqu’elle transforme un bel enfant blond comme les blés en une boule de haine qui ne rêve que de repartir au front pour mieux contribuer à venger cette enfance que la guerre lui a volé, tout cela est assez convaincant et a même convaincu Jean-Paul Sartre qui a vigoureusement défendu le film contre ses détracteurs lorsqu’il affirme : « Des milliers d’enfants détruits, vivants, par la guerre, voilà une des tragédies soviétiques ».

Oui mais voilà, cette « analyse » a été démentie par Tarkovski lui-même qui, bien qu’ayant apprécié les éloges de Sartre, a expliqué que son film a été mal compris : il ne fallait pas insister, selon lui, sur le côté historique mais sur le côté poétique. Et à dire vrai, de poésie, le film n’en manque pas.

Il y a d’abord des scènes de rêve, parfois de cauchemar, où on voit le jeune Ivan entouré de sa mère, de sa sœur ou d’autres petits enfants qui jouent dans cette campagne paisible où la guerre semble loin; il y a cette scène étonnante de la charrette de pommes qui laisse tomber une partie de son chargement sur la plage pour être mangé par les chevaux. Plus ambigu, certaines scènes de guerre, par leur dépouillement recèlent en elles une certaines beauté comme ce vieil homme radotant avec sa poule dans sa maison complètement détruite dont il ne reste que la porte grinçante. Il n’est pas jusqu’aux paysages choisis et filmés avec grand soin comme ces marais nimbés de brume de ce coin du Dniepr illuminés par des fusées éclairantes, en pleine guerre, ou encore cette magnifique scène de drague lourde – anachronisme pour pasticher la phraséologie #metoo – dans les bouleaux de la taïga entre Kholine et Macha.

La poésie du film doit beaucoup à la beauté des images du directeur de la photographie Vadim Ioussov. Les beaux visages des acteurs, non seulement le jeune Ivan mais aussi Macha la jeune docteur ou le lieutenant Galtsev sont filmés très près du visage, souvent en plongée ou en contre-plongée dans ce beau noir et blanc très net qui donne une certaine épaisseur à ces personnages meurtris par les épreuves. Les paysages on l’a dit, même dévastés, sont aussi d’une grande beauté, certains plans sont d’une créativité inouïe (comme le plan furtif où le soleil est obscurci par un jet de terre projeté par l’explosion d’un obus), Ioussov joue très joliment de la profondeur de champ dans les scènes d’intérieur et aussi dans la scène des bouleaux. En gros Tarkovski et Ioussov frappent assez fort pour ce qui est leur premier opus de jeunes artistes fraîchement sortis de leur école de cinéma.

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Les personnages principaux sont parfaitement castés : le jeune Ivan est interprété un bel enfant blond, Nikolaï Bourliaïev, qui excelle autant dans son rôle d’ange dans les scènes oniriques que dans son rôle de demon lors des scènes de guerre. A noter que Bourliaïev a fait du chemin, un chemin assez douteux puisqu’il est maintenant (2022) député à la Douma et soutien du régime poutinien. On le reverra dans le prochain film de Tarkovski, Andreï Roublev. C’est Valentin Zoubkov qui joue le va-t-en guerre capitaine Kholine et Evgueni Jarikov qui joue le plus humaniste lieutenant Galtsev, un rôle de soldat qui doute, qu’il interprète dans toute sa complexité. J’ai un faible aussi pour le (petit) rôle de la jeune docteur Macha confié à Valentina Malyavina. Et mentionnons enfin pour finir cette scène étonnante où Galtsev et Ivan trouvent un livre allemand et s’extasient malgré leur réticences sur ses images : de magnifiques gravures de Dürer dont Le chevalier, la mort, le diable et Les quatre cavaliers de l’apocalypse.

C’est donc de film venu de l’est, tourné par un inconnu dans un système où la censure commence à être un peu moins prégnante qui débarque en 1962 à la mostra de Venise et qui ne rafle rien moins que le lion d’or. Récompense controversée puisque le quotidien communiste l’Unità, sous la plume d’Alberto Moravia, critique le film – ce qui prouve si besoin est le côté novateur de l’œuvre si les cocos se permettent de l’incendier … – , critique contredite par Sartre. Foin des jugements empreints de militantisme, c’est un très beau film qui concilie aussi bien – n’en déplaise à Tarkovski – la monstration de la guerre et la poésie des images. A titre personnel, j’ai même tendance à le préférer aux Tarkovski ultérieurs que j’ai vus (Solaris et Le sacrifice) que j’ai trouvés un peu trop cérébraux pour moi. Une jolie découverte en tout cas du BFI, produit dérivé de ce cycle Robert Bresson, qui de toute évidence mène à tout, y compris au plus insolite.

Le sacrifice (1986) de Andreï Tarkovski

Le sacrifice est le dernier film du grand cinéaste russe Andreï Tarkovski, tourné en 1985, un an avant la mort de l’artiste d’un cancer du poumon, qui l’handicapait déjà pendant le tournage. C’est un film de la période post-soviétique de Tarkovski, après qu’il a quitté l’Union Soviétique et qu’il a déclaré ne plus vouloir y retourner. L’homme fait à cette époque complètement partie du cinéma européen, les acteurs célèbres se pressent pour tourner avec lui (Jean-Louis Trintignant sera d’ailleurs pressenti pour jouer le rôle principal dans Le sacrifice) tout comme les producteurs. Son film précédent, Nostalghia, est produit par des italiens et scénarisé par le scénariste de Michelangelo Antonioni, celui-là est une co-production franco suédoise et bénéficiera du soutient actif d’un grand admirateur de Tarkovski : l’immense cinéaste Ingmar Bergman. C’est dire si le réalisateur est reconnu par ses pairs !

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L’histoire du film n’a pas grand sens. Il s’agit d’un vieux comédien qui va célébrer son anniversaire, juste au moment où une catastrophe – style bombe atomique, fin du monde, on ne sait pas très bien – survient. Tout le monde est terrorisé et le mystérieux facteur, qui séjourne à la maison du comédien lui suggère d’aller copuler avec la bonne, qui est aussi sorcière, pour revenir au statu quo ante, en fait faire comme si la catastrophe n’avait jamais eu lieu. En échange, il s’engage a donner à Dieu ce qu’il a de plus cher. Tout se passe comme prévu et pour s’amender, le comédien met le feu à sa maison avant d’être interné dans un asile d’aliénés.

L’histoire est pour le moins tirée par les cheveux, c’est le moins qu’on puisse dire mais n’est en fait qu’un prétexte, servant à illustrer un certains nombre de thèmes tarkovskiens : le mysticisme et la religion chrétienne en même temps que de montrer l’immense savoir faire du réalisateur.

Commençons par les acteurs. Le casting du film, à l’image du réalisateur, est international. L’acteur pricincipal n’est donc pas Trintignant mais un comédien au talent équivalent : Erland Josephson, grand acteur bergmanien (Scènes de la vie conjugale, Sonate d’automne, Cris et chuchottements) au talent immense qui est formidable ici. La sorcière ou la vierge c’est selon (son personnage est ambigu) est interprété par une actrice islandaise et la femme du héros est jouée par Suzanne Fleetwood, actrice shakespearienne écossaise. La France, co-productrice du film, n’est pas oubliée non plus car la petite bonne Julia est jouée par … Valérie Mairesse. Sa filmographie sur Wikipédia déroule consciencieusement les films dans lesquels elle a joué: Deux heures mois le quart avant Jésus Christ, Banzaï (avec Coluche), Debout les crabes la mer monte, Le sacrifice, Les frères Pétard etc … Cherchez l’intrus! J’ironise mais tout ce petit monde est parfaitement casté et joue son rôle à la perfection, et cela d’autant plus que le film contient certaines scènes fortes pendant lesquelles la tension ne faiblit pas.

Le savoir faire cinématographique de Tarkovski transpire à chaque scène. Le film est filmé en plans très longs : le premier plan dure neuf minutes et le film de 148 minutes ne comporte que 115 plans chacun préparé avec beaucoup de minutie. L’avant-dernière scène est elle aussi fameuse : elle dure six minutes et représente l’incendie de la maison. Elle a été tournée originalement avec une seule caméra ce qui fut une grave erreur car celle-ci est tombée en panne. Tarkovski sous la pression a refusé de la monter à partir d’images recupérées de la prise et exigé que la maison fût entièrement reconstruite pour refaire la scène entièrement ce qui fut fait mais là encore, l’équipe de tournage a eu chaud : la bobine de la caméra principale – et retenue pour le film – a été épuisée à la toute fin de la prise, c’est pour cela qu’elle se termine brutalement. Un très grand soin a été également apporté au montage qui a duré longtemps, supervisé par un réalisateur déjà très malade. La musique est délicieuse : un mélange de flûte japonaise et de La passion selon Saint Mathieu de Jean-Sébastien Bach. L’un des leitmotive du film est un fascinant tableau inachevé de Léonard de Vinci : L’adoration des mages filmé en gros plan pendant la scène du générique.

Enfin, le film est par bien des aspects bergmanien ce qui pour moi est bien évidemment un plus. Outre la présence de Josephson au générique, le film a été filmé sur l’île suédoise de Gotland. Il aurait même dû être tourné sur l’île voisine de Fårö, à l’invitation de Bergman lui même qui vivait retiré sur cette île après avoir décidé d’arrêter le cinéma en 1982 après la sortie de Fanny et Alexandre. Cela n’a finalement pas été possible car l’endroit était terrain militaire et le gouvernement suédois y a mis son veto mais cela montre clairement les liens qui unissent les deux cinéastes et la filiation bergmanienne de Le sacrifice est patente, par les décors ou les thèmes qu’ils développe.

Tout cela est de bonne augure mais …. car il y a un mais. Pour faire court, le film vole haut, très haut, trop haut pour moi. Le scénario assez mal fagotté est clairement son point faible et je ne sais pas à quoi raccrocher les très beaux plans de Tarkovski. Il y a deux histoires qui se déroulent en parallèle (La fin du monde et ce que cela induit pour les relations entre les personnages et l’histoire dans le monde réel avec d’autres querelles de famille) qui ne s’emboîtent pas très bien. J’ai du rater quelque chose.

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La lecture de la notice du BFI m’a donné un aperçu de ce que j’ai raté. Elle explique que le personnage du facteur – qui cite Nietzsche à tout bout de champ – éclaire sur la philosophie du film à la lumière du thème, nietzschéen, de l’éternel retour : L’incendie final ne serait pas symbole de destruction mais un feu zoroastrien, régénérateur, seul antidote possible au nihilisme, à la fatigue de vivre qui assaille Alexander (Josephson). En mettant cela en abîme, on peut aussi considérer cet ultime film comme un compendium de la vie et de l’oeuvre de Tarkovski, l’incendie final représenterait précisément ce film, le sacrifice en même temps que le cadeau du maître à son public (« chaque cadeau est un sacrifice » dit le facteur dans le film), le cadeau de Zarathoustra, le testament poétique de l’artiste sous forme d’auto-transfiguration volontaire. Ce n’est pas moi qui dit cela, c’est pompé de la notice du BFI (traduite pas mes soins, probablement pas très bien) et c’est ce que j’aurais probablement dû comprendre. Vous comprenez maintenant qu’une partie du message m’ait échappé et que j’avais un petit peu mal à la tête en sortant!

N’en parlons plus. Je n’ai jamais été dithyrambique sur Tarkovski sur ce blog mais je veux bien croire que l’homme est un génie. Auquel je suis hermétique certes mais un génie quand même. Le mileu du cinéma a récompensé le film par le grand prix du jury au festival de Cannes 1986 (palme d’or à Mission de Roland Joffé). L’artiste mourra six mois après la sortie du film, le 29 décembre 1986, à Neuilly sur Seine. Mstislav Rostropovitch jouera une sarabande de Bach à son enterrement. Il repose au carré orthodoxe du cimetière de Sainte Geneviève des bois.

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Solaris (1972) de Andrei Tarkovsky

Mon cinéma bien aimé le BFI (British Film Institute), l’équivalent londonien de la cinémathèque à Paris, nous a offert en novembre décembre un cycle sur la science fiction. Ce n’était pas vraiment ma tasse de thé mais j’ai quand même trouvé quelques films à aller voir, dont L’invasion des profanateurs sur lequel j’ai déjà posté et donc Solaris.

Solaris est considéré comme un chef d’oeuvre du cinéma, réalisé par l’immense réalisateur des années 70, Andrei Tarkovsky. Il est de tradition de le considérer comme le plus grand avec Eisenstein, c’est dire ! Pour moi, c’est une nouveauté, je n’avais jamais vu aucun film de lui, c’était donc le moment ou jamais.

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Solaris est un film de science fiction étrange, qui commence par montrer la vie bucolique de plusieurs personnes, dans une datcha en Russie avant que tous ne se retrouvent devant un écran de télévision pour regarder une cassette vidéo inquiétante donnant les dernières nouvelles de la planète Solaris et surtout de la station orbitale qui gravite autour. Les gens qui l’habitent ne sont plus que trois après un certain nombre de disparitions mystérieuses, la station était censée étudier la dynamique de l’étrange océan qui recouvre la planète Solaris. Le psychologue Chris Kelvin est envoyé sur la station pour y voir plus clair. Il y découvre que l’un de ses habitants, celui qui a appelé au secours sur la cassette vidéo a mis fin à ses jours, et que les deux autres ont des comportements étranges, plutôt névrotiques, et qu’un certain nombre de « fantômes » à forme humaine errent dans les couloirs du vaisseau. Il comprend peu après que ces fantômes sont en fait ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui des avatars d’être vivants ayant existé, aujourd’hui décédés et ressuscités pour l’occasion, lorsqu’il se réveille un beau matin avec auprès de lui sa femme bien aimée, Khari, qui s’est suicidée il y a plusieurs années.

Solaris est considérée comme la réplique soviétique au 2001 : L’odyssée de l’espace de Kubrick et ce n’est pas absurde. Le film aspire à l’universel, parle de problèmes vastes – l’immortalité et comment l’appréhender surtout lorsque les sentiments s’en mêlent -, Tarkovsky est peut-être le seul qui peut rivaliser en notoriété et en talent avec maître Stanley de l’autre côté du rideau de fer, mais le film n’a jamais vraiment réussi à m’accrocher vraiment.

Les thèmes sont datés, la vérité est que la science fiction version Solaris est un genre qui je pense a fait son temps. Dans les années 70, elle a incarné un certain nombre de grandes peurs de l’époque : le machinisme, le scientisme, le cauchemar écologique et il est dorénavant difficile de réutiliser ces thèmes sans tomber dans le remake. Pire, on a l’impression de tout connaître, d’avoir déjà tout entendu, on est un peu blasé : la vie extra terrestre, c’est Alien ou 2001, l’humanité des machines, c’est 2001 (version années 70 avec vision négative des machines) ou Blade Runner (version années 80 avec vision positive des machines), le cauchemar écologique, c’est Soleil vert etc… La science fiction des débuts voulait s’immiscer dans le débat philosophique, celle d’aujourd’hui a revu ces ambitions à la baisse et n’aspire plus qu’à l’entertainment et, à mon avis, c’est fort bien ainsi. Du coup, le thème des avatars et celui concomitant de l’immortalité dans Solaris n’interpelle pas vraiment, et cela d’autant plus que rien n’est expliqué (c’est l’océan de la planète Solaris qui crée ces avatars mais on n’en sait pas plus), alors … à quoi bon ?

L’esthétique vestimentaire est celle des années 1970 que je trouve personnellement hideuse. Un grand soin a été placé dans la reconstitution de la station orbitale, plutôt délabrée que flambante neuve, choix judicieux vu l’état de déliquescence de l’équipage. Akira Kurosawa, qui visitait les studios de Mosfilm au même moment a exprimé son admiration pour le design de la station.

Les acteurs sont bien, à noter que le rôle de Khari est jouée par Natalia Bondartchouk, une camarade de promo de Tarkovsky et accessoirement la fille de Serguei Bondartchouk, autre immense réalisateur russe de l’époque dont les rapports avec Tarkovsky n’étaient pas des meilleurs. C’est le rôle de sa vie d’actrice, d’elle, le réalisateur a écrit dans son journal qu’elle avait éclipsé tous les autres. C’est exact, elle est magnifique dans le rôle d’amante qui ne peut plus aimer l’objet de son désir car elle est … morte. La musique est d’Edouard Artemiev pour la partie électronique et de Jean-Sébastien Bach pour la partie classique et est magnifique. Rien de déshonorant donc dans Solaris mais on n’obtient pas le petit supplément d’âme qui transformerait à mes yeux une simple histoire de science fiction des années 70 en une sublime méditation métaphysique sur la vie. La durée du film, deux heures quarante-cinq est à ce titre une circonstance aggravante.

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A sa sortie, le censure soviétique a émis le souhait d’un film plus réaliste, donnant une vision plus claire du futur et sans les allusions à Dieu et à la religion mais Tarkovsky s’est élevé contre ces coupes et a obtenu gain de cause.

Le film a eu le prix spécial du jury au festival de Cannes – comme quoi tout le monde ne partage pas mes vues -. Tarkovsky en revanche a en partie renié son film dans son autobiographie de 1983 lorsqu’il le qualifie « d’échec artistique », en comparaison avec son autre chef d’oeuvre, postérieur, Stalker, pour lequel il a bénéficié de meilleurs effets spéciaux (dit-il). Un autre détracteur : Stanislas Lem, l’écrivain polonais, auteur du roman éponyme qui a inspiré le film qui n’a jamais aimé ce que Tarkovsky a fait de son roman. En ce qui me concerne, je dois admettre avoir vu un classique, d’un géant du cinéma, auquel je n’ai pas véritablement accroché, c’est tout. Cela ne m’empêchera probablement pas d’aller en voir d’autres.

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